Un Ivoirien voleur de BERLINES
Publié : févr. 20, 08 8:45 am
http://news.abidjan.net/kiosque_j.asp?s ... src="http://news.abidjan.net/titrologie/imag ... s_1732.jpg" vspace=10 border=1> Après des mois d’enquête sur une arnaque aux voitures d’occasion, la justice française est dans l’impasse. L’homme soupçonné de trafic est protégé par la police ivoirienne.
THOMAS HOFNUNG
A Abidjan, les flics le saluent comme l’un des leurs. Dans la capitale économique ivoirienne, Thomas Tiacoh a ses entrées partout, du Parlement à la présidence de la République, en passant par les meilleures tables de la ville. Pourtant, ce membre du parti du président Laurent Gbagbo, le FPI (Front populaire ivoirien), n’est qu’un élu de Toumodi, une modeste localité située entre Abidjan et Yamoussoukro. Si sa notoriété est inversement proportionnelle à son influence politique, c’est que Thomas Tiacoh a d’autres atouts. Notamment un certain sens des affaires qui a fini par retenir l’attention de la police française.
Huiles.Tiacoh est soupçonné par les enquêteurs de la brigade de répression du banditisme (BRB) d’avoir volé en trois ans près de 300 voitures, revendues en Côte-d’Ivoire, parfois à des huiles. Après des mois d’enquête, y compris sur place, la juge Sylvie Gagnard, du pôle financier, s’apprête à lancer un mandat d’arrêt international contre lui.
Tout a commencé en 2004. Un homme se présentant comme «un PDG vivant à l’étranger» contacte par téléphone des propriétaires français de voitures haut de gamme - des 4 x 4 ou des berlines - repérées via Internet sur des sites spécialisés dans la vente de véhicules d’occasion. Une fois d’accord sur le prix, en général autour de 50 000 euros, l’acheteur s’engage à effectuer un virement bancaire sur le compte du vendeur, avant d’envoyer des «petits» (des jeunes, dans le jargon d’Abidjan) chercher le véhicule. Mais au lieu d’un virement, c’est un chèque en bois qui est déposé sur le compte du propriétaire du 4 x 4.
La plupart d’entre eux ne se méfient pas quand ils remettent les clés. Car entre-temps, leur compte a bien été crédité. Selon les enquêteurs, Thomas Tiacoh a su habilement exploiter une faille dans le système bancaire : l’établissement receveur crédite le compte de son client du montant reçu, avant de se tourner vers celui de l’émetteur pour récupérer l’argent. Quand la banque découvre la supercherie, il est trop tard : placé dans un conteneur, le véhicule est déjà en route pour le port d’Anvers, en Belgique, avant d’être chargé à bord d’un navire, direction Abidjan.
Au fil des mois, les plaintes se multiplient en France. Certaines voitures étant équipées d’un signal GPS placé dans le moteur, les enquêteurs ne tardent pas à noter que tous les chemins mènent à Abidjan. C’est là que Tiacoh aurait, selon la police, revendu ses prises à un préfet, au président d’une fédération sportive, et même à une secrétaire du chef de l’Etat… Près d’une quinzaine de voitures volées en France seraient garées à la présidence ivoirienne, confie une source proche de l’enquête.
Après plus d’un an d’enquête, le «baron» de Toumodi finit par être repéré grâce à des écoutes sur son portable. Il ne reste plus, alors, qu’à le cueillir à Abidjan. Munie d’une commission rogatoire internationale, la juge Sylvie Gagnard, accompagnée par des policiers de la BRB, débarque sur place fin novembre. Et les ennuis commencent. Prévenu depuis plusieurs jours de l’arrivée des Français, le procureur a dû s’absenter précipitamment… Seconde déconvenue : au lieu de désigner la brigade criminelle ivoirienne, associée depuis plusieurs mois à l’enquête, pour exécuter la commission, le doyen des juges se tourne vers la brigade financière locale, qui va s’avérer on ne peut moins coopérative. Ses hommes affirment ainsi ne pas connaître Tiacoh. Au bout de trois jours, les policiers français parviennent à le «localiser».
Mais face à des policiers ivoiriens passifs, c’est la BRB française qui finit par interpeller en pleine rue, au milieu des embouteillages, le suspect, avant de le conduire elle-même dans les locaux de la brigade financière ivoirienne. Peine perdue : le juge refuse de le placer en garde à vue, et même de saisir les quatre véhicules garés devant le domicile de Tiacoh, sur lesquels sont encore visibles les gravages français…
Promotion. La BRB découvre aussi que les véhicules du trafiquant sont dotés de papiers en bonne et due forme délivrés par les autorités locales, notamment d’un certificat émanant du bureau local d’Interpol. A la fin d’une audition dans les locaux de la police financière d’Abidjan, les enquêteurs auront la surprise de voir Tiacoh féliciter un responsable ivoirien, lui promettant une promotion rapide… Les policiers français sont finalement repartis pour Paris sans Tiacoh, et il y a peu de chance que ce dernier soit rapidement transféré vers l’Hexagone. «Il ne bénéficie pas d’une protection politique en haut lieu, mais il a arrosé beaucoup de monde à Abidjan», confie une source proche de l’enquête.
Loin d’avoir été échaudé par la visite de la magistrate française et sa brève interpellation, Thomas Tiacoh n’aurait pas mis un terme à ses affaires. De nouvelles plaintes pour vol de voitures de luxe ont été enregistrées en France ces dernières semaines, une nouvelle information judiciaire a été ouverte. Même mode opératoire, mêmes «petits» impliqués dans le trafic. Seules les cibles ont changé : cette fois, ce sont les Lamborghini qui sont les plus prisées à Abidjan.
THOMAS HOFNUNG
A Abidjan, les flics le saluent comme l’un des leurs. Dans la capitale économique ivoirienne, Thomas Tiacoh a ses entrées partout, du Parlement à la présidence de la République, en passant par les meilleures tables de la ville. Pourtant, ce membre du parti du président Laurent Gbagbo, le FPI (Front populaire ivoirien), n’est qu’un élu de Toumodi, une modeste localité située entre Abidjan et Yamoussoukro. Si sa notoriété est inversement proportionnelle à son influence politique, c’est que Thomas Tiacoh a d’autres atouts. Notamment un certain sens des affaires qui a fini par retenir l’attention de la police française.
Huiles.Tiacoh est soupçonné par les enquêteurs de la brigade de répression du banditisme (BRB) d’avoir volé en trois ans près de 300 voitures, revendues en Côte-d’Ivoire, parfois à des huiles. Après des mois d’enquête, y compris sur place, la juge Sylvie Gagnard, du pôle financier, s’apprête à lancer un mandat d’arrêt international contre lui.
Tout a commencé en 2004. Un homme se présentant comme «un PDG vivant à l’étranger» contacte par téléphone des propriétaires français de voitures haut de gamme - des 4 x 4 ou des berlines - repérées via Internet sur des sites spécialisés dans la vente de véhicules d’occasion. Une fois d’accord sur le prix, en général autour de 50 000 euros, l’acheteur s’engage à effectuer un virement bancaire sur le compte du vendeur, avant d’envoyer des «petits» (des jeunes, dans le jargon d’Abidjan) chercher le véhicule. Mais au lieu d’un virement, c’est un chèque en bois qui est déposé sur le compte du propriétaire du 4 x 4.
La plupart d’entre eux ne se méfient pas quand ils remettent les clés. Car entre-temps, leur compte a bien été crédité. Selon les enquêteurs, Thomas Tiacoh a su habilement exploiter une faille dans le système bancaire : l’établissement receveur crédite le compte de son client du montant reçu, avant de se tourner vers celui de l’émetteur pour récupérer l’argent. Quand la banque découvre la supercherie, il est trop tard : placé dans un conteneur, le véhicule est déjà en route pour le port d’Anvers, en Belgique, avant d’être chargé à bord d’un navire, direction Abidjan.
Au fil des mois, les plaintes se multiplient en France. Certaines voitures étant équipées d’un signal GPS placé dans le moteur, les enquêteurs ne tardent pas à noter que tous les chemins mènent à Abidjan. C’est là que Tiacoh aurait, selon la police, revendu ses prises à un préfet, au président d’une fédération sportive, et même à une secrétaire du chef de l’Etat… Près d’une quinzaine de voitures volées en France seraient garées à la présidence ivoirienne, confie une source proche de l’enquête.
Après plus d’un an d’enquête, le «baron» de Toumodi finit par être repéré grâce à des écoutes sur son portable. Il ne reste plus, alors, qu’à le cueillir à Abidjan. Munie d’une commission rogatoire internationale, la juge Sylvie Gagnard, accompagnée par des policiers de la BRB, débarque sur place fin novembre. Et les ennuis commencent. Prévenu depuis plusieurs jours de l’arrivée des Français, le procureur a dû s’absenter précipitamment… Seconde déconvenue : au lieu de désigner la brigade criminelle ivoirienne, associée depuis plusieurs mois à l’enquête, pour exécuter la commission, le doyen des juges se tourne vers la brigade financière locale, qui va s’avérer on ne peut moins coopérative. Ses hommes affirment ainsi ne pas connaître Tiacoh. Au bout de trois jours, les policiers français parviennent à le «localiser».
Mais face à des policiers ivoiriens passifs, c’est la BRB française qui finit par interpeller en pleine rue, au milieu des embouteillages, le suspect, avant de le conduire elle-même dans les locaux de la brigade financière ivoirienne. Peine perdue : le juge refuse de le placer en garde à vue, et même de saisir les quatre véhicules garés devant le domicile de Tiacoh, sur lesquels sont encore visibles les gravages français…
Promotion. La BRB découvre aussi que les véhicules du trafiquant sont dotés de papiers en bonne et due forme délivrés par les autorités locales, notamment d’un certificat émanant du bureau local d’Interpol. A la fin d’une audition dans les locaux de la police financière d’Abidjan, les enquêteurs auront la surprise de voir Tiacoh féliciter un responsable ivoirien, lui promettant une promotion rapide… Les policiers français sont finalement repartis pour Paris sans Tiacoh, et il y a peu de chance que ce dernier soit rapidement transféré vers l’Hexagone. «Il ne bénéficie pas d’une protection politique en haut lieu, mais il a arrosé beaucoup de monde à Abidjan», confie une source proche de l’enquête.
Loin d’avoir été échaudé par la visite de la magistrate française et sa brève interpellation, Thomas Tiacoh n’aurait pas mis un terme à ses affaires. De nouvelles plaintes pour vol de voitures de luxe ont été enregistrées en France ces dernières semaines, une nouvelle information judiciaire a été ouverte. Même mode opératoire, mêmes «petits» impliqués dans le trafic. Seules les cibles ont changé : cette fois, ce sont les Lamborghini qui sont les plus prisées à Abidjan.