Au pouvoir depuis seulement deux (02) ans, les évènements du 19 septembre 2002 ont été franchement révélateurs de ce qu`est devenu le FPI en si peu de temps. 23 mois ont ainsi suffi pour que ce parti qui a bâti sa légitimité en battant le pavé et en soulevant les foules, soit totalement plombé par l`embourgeoisement. Aussi, après le déclenchement de la crise armée, pendant que les premiers mouvements de résistance populaire ont commencé à s`organiser sur le terrain sous la houlette des Eugène Djué, Jean-Claude Groguhet, Touré Zéguen, Tapé Koulou Laurent, Isidore Gozé, Richard Dacoury et bien d`autres, Konaté Navigué, inconnu au sein du FPI sur le terrain de la lutte politique et seulement connu comme assistant de Madame Simone Gbagbo pour le cours de formation politique, et bombardé en récompense depuis quelques mois, Secrétaire national de la JFPI, est terrifié et cloîtré. La jeunesse militante du FPI, qui avait démontré toute sa témérité, en chassant au prix de plusieurs centaines de morts et de blessés, le général Robert Guéï et sa junte militaire du pouvoir, est déboussolée sans un leader véritable pour la conduire dans la résistance populaire. Lorsque Tapé Koulou Laurent fait venir Charles Blé Goudé d`Angleterre pour prendre la tête des mouvements qu`il a fédérés, c`est le leader du COJEP qui vient prendre les rênes de cette jeunesse qui ne demande qu`à prendre la rue. C`est Charles Blé Goudé qui amène avec lui dans la lutte dite patriotique, ironie du sort, Konaté Navigué. L`amplification extraordinaire que connaît la résistance populaire sous la houlette de l`ex-secrétaire général de la FESCI, comble le FPI. Puisqu`elle a pour effet immédiat de contredire le matraquage infligé au régime de Laurent Gbagbo par les médias étrangers qui le poursuivaient de déficit notoire de légitimité populaire. Après lui avoir arraché sa masse militante, le COJEP attaque la JFPI. Mais, Affi N`Guessan et les barons de l`appareil du FPI ne jubileront guère longtemps. Car, rapidement, ils se rendent compte que ce que l`entrée en scène de Charles Blé Goudé fait gagner au régime de Laurent Gbagbo, c`est exactement ce que leur parti perd à travers la même action. Ainsi, la masse de la jeunesse militante de la JFPI, laissée à l`abandon par un Konaté Navigué trop passif et récupérée par le leader du COJEP, a rejeté sa chapelle d`origine. Pour ne plus obéir qu`à ce dernier. Encensé par les médias d`Etat mis entièrement à sa disposition par le régime, Charles Blé Goudé se fait le symbole de la résistance patriotique. Que la propagande d`Etat a parfaitement habillée en une révolution en vue de l`indépendance totale (politique et économique) de la Côte d`Ivoire vis-à-vis de la puissance tutélaire qu`est la France. Et Charles Blé Goudé devient ainsi l`idole de toute cette jeunesse qui est déterminée à en découdre avec l`ex-pays colonisateur.
Affi N`Guessan et les siens commencent à réaliser le danger que représente le COJEP pour la JFPI, lorsqu`ils se rendent compte que Charles Blé Goudé est loin d`être l`homme-lige qu`ils croyaient tenir. Alors qu`ils croyaient que celui-ci avait fait appel à Konaté Navigué pour en faire un collaborateur, ils réalisent, qu`en fait, il n`a pris le patron de la JFPI à ses côtés que pour mieux démontrer aux yeux de la jeunesse militante du parti au pouvoir que son secrétaire national n`a pas la moindre aptitude à la conduire dans la lutte. Pour preuve, il le traite sans égard à l`importance de la JFPI, au même titre que les leaders des autres mouvements informels et spontanés qui gravitent autour de lui, tels que la Sorbonne de Richard Dacoury, le MIRAO d`Ahoua Stallone, la SOAF de Jean-Yves Dibopieu, etc. C`est-à-dire, rien moins que des valets.
En plus de découvrir, amer, que Charles Blé Goudé ne s`est jamais préoccupé de prendre ses ordres chez lui mais au Palais présidentiel, c`est sur le terrain que le président du FPI mesure surtout combien l`entrée en scène de Charles Blé Goudé et du COJEP constitue un désastre pour la JFPI. En un tour de bras, sous les yeux d`un Konaté Navigué incapable de manœuvrer, toutes les sections de base de la JFPI tombent dans l`escarcelle du COJEP. Celles qui ont la chance d`échapper à ce mouvement de revirement, sont amputées de leurs éléments les plus engagés. De telle sorte que dans l`ensemble des localités du pays sans exclusive, les représentations du COJEP se sont mises à flamber. Quand, les sections de la JFPI, elles, rasaient dès lors les murs. L`attitude des pontes du FPI dans ces localités vis-à-vis des représentations de la JFPI, a été pour une immense part dans la montée en puissance du mouvement de Charles Blé Goudé. Que d`argent et de biens matériels ces leaders régionaux du parti au pouvoir ont investis dans les activités du COJEP, alors même qu`ils refusaient le minimum à la JFPI ! " C`est juste pour la lutte ", se justifiaient-ils inconsciemment. Toutefois, ce soutien au COJEP est loin d`expliquer à lui seul la transhumance en direction de ce mouvement. Elle a découlé, avant tout, de l`exécution d`un plan savamment échafaudé, visant à engendrer une mainmise de Charles Blé Goudé sur l`ensemble de la jeunesse proche du président Laurent Gbagbo. La conversion du capital populaire du COJEP en force politique
C`est l`indocilité de Charles Blé Goudé vis-à-vis de lui, qui amène Affi N`Guessan à réaliser que le COJEP se pose comme un rival du FPI dans la lutte pour la patrie, avec des objectifs bien précis, une vision très nette, que comme un simple mouvement de soutien à la cause du chef de l`Etat. Il tente de briser l`élan du mouvement patriotique en traitant ses leaders de " patriotes alimentaires". Malheureusement pour lui, pour Charles Blé Goudé, le combat avait déjà pris une autre orientation. Puisque le cabinet du président de la République, appelé communément " le Palais " (pour palais présidentiel), est entré dans la danse. Les membres de ce cabinet mènent depuis sa formation, une guerre de positionnement auprès du chef de l`Etat contre le FPI.
Recrutés majoritairement hors du parti au pouvoir, parmi les repentis de ce parti, des amis et des parents du président Laurent Gbagbo, les membres du Palais ont toujours souffert la stigmatisation des membres du FPI. Ces derniers leur ont toujours manifesté leur indignation à cause du fait qu`ils n`ont pas pris part à la lutte pour la conquête du pouvoir, se retrouvent à l`arrivée avec les postes les plus significatifs auprès du chef de l`Etat. Ce qui faisait jusque-là défaut au Palais pour redresser l`échine face au FPI, c`était une locomotive politique et populaire. Voyant donc les masses que drainent Charles Blé Goudé et le COJEP, il s`empresse donc de les récupérer à leur profit. C`est donc le Palais qui convainc le leader patriotique à faire évoluer son mouvement. En le faisant passer de la société civile au terrain politique pur. Ce, en capitalisant l`assise populaire qu`il a acquise en arrachant à la JFPI la quasi-totalité de ses sections ou en les vidant de leurs forces militantes. Des noms sont estampillés au bas de ce projet. Il s`agit de Kuyo Téa Narcisse, le chef de cabinet, démissionnaire du FPI en 1996, d`Allou Eugène, dont le penchant pour le FPI, dit-on, s`est considérablement affaibli au profit du Palais, l`ex-porte-parole du chef de l`Etat et actuel ministre de l`Intérieur, Désiré Tagro, Laurent Ottro Zirignon, PCA de la SIR, époux de la directrice de cabinet adjointe, proche parent du chef de l`Etat et transfuge de dernière minute du PDCI-RDA. Le dernier de ces quatre hommes est particulièrement réputé pour sa disponibilité à apporter toutes aides financières et matérielles à l`organisation de toutes activités émanant du COJEP de Charles Blé Goudé.
( par Michel Dia)